HORS LES MURS

Le fileur de Cathédrales

Texte et mise en scène de David Antoniotti

Un grand saut dans l’histoire de la filature Levavasseur

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Filature Levavasseur - Domaine de Fontaine Guérard - 1874.

Nous sommes le lendemain de l’incendie du 23 août 1874.
Comme les journaux de l’époque l’écriront, jamais spectacle plus effrayant ne s’était vu. Heureusement aucune victime n’est à déplorer mais une réunion d’enquête est organisée sur le site de la filature. Comment cet accident a-t-il pu se produire ? Le Baron Levavasseur doit rendre des comptes et se retrouve dans une position délicate.
Plusieurs ouvriers sont invités à prendre la parole et au-delà des flammes gronde une lutte pour changer les droits des ouvriers et abolir le travail des enfants.

C’est en 2022 que le service culturel du département de l’Eure en Normandie m’a approché pour me présenter un projet ambitieux de valorisation d’un site industriel majeur : la filature Levavasseur. Le but était de mettre en lumière ce lieu emblématique de l’histoire locale, par le Théâtre.
La proposition semblait être une occasion inouïe : allier l’histoire, le patrimoine, et l’art vivant, tout en donnant une nouvelle vie à un lieu chargé de mémoire. Dès la première rencontre avec les équipes du département, il était clair que ce projet allait bien au-delà d’une simple création théâtrale : il s’agissait de donner une voix à un site, de l’ancrer dans le présent tout en rendant hommage à son passé.

La première rencontre avec les équipes du département ne s’est pas déroulée dans un bureau, mais directement sur le site de la filature Levavasseur. Dès l’arrivée sur place, je suis frappé par l’immensité du lieu. C’est une ancienne usine, mais qui ressemble presque à une cathédrale industrielle, un espace vaste, ouvert, où chaque poutre métallique, chaque pierre semble porter l’empreinte de l’histoire. La première impression que j’ai eue en pénétrant dans cet espace immense fut une sensation d’émerveillement mêlée d’humilité. Je marchais dans un lieu à l’échelle monumentale, mais aussi dans un morceau d’histoire locale, d’histoire ouvrière, une histoire vivante qui résonnait encore dans chaque recoin.

L’architecture du site est surdimensionnée. Les pierres, la dimension des bâtiments, les bruits de l’activité du passée qui résonnent encore au fur et à mesure de mes pas, tout semble faire partie d’une mémoire collective. En arpentant cet espace, je me suis retrouvé, presque instantanément, emporté par l’idée de raconter une histoire au sein de ce lieu. L’envie de réaliser un projet théâtral pour le département m’est apparue comme une évidence. La grandeur de ce site, sa force symbolique, sa capacité à raconter une histoire par sa seule présence m’ont immédiatement laissé sans voix. Cela allait être une chance inestimable de pouvoir y créer un spectacle.

Pour donner forme à ce projet, il était indispensable de bien comprendre le contexte historique de la filature et de ses habitants : les ouvrières et ouvriers qui y ont travaillé, souvent dans des conditions difficiles, mais aussi les dynamiques sociales et économiques de l’époque. C’est donc tout naturellement que nous avons commencé une recherche documentaire, en collaboration avec les équipes du département, pour récolter des informations sur le site. Nous avons consulté des archives, des photos anciennes, mais aussi des récits oraux : témoignages de personnes ayant vécu l’histoire de la filature, ou dont les familles avaient travaillé sur place.

Cette phase de collecte de données a été passionnante. L’histoire de la filature Levavasseur est celle d’une époque où l’industrie textile dominait le paysage économique, mais aussi celle des luttes ouvrières et de la vie quotidienne des travailleurs. Les histoires des ouvrières et ouvriers de la filature se sont entremêlées avec celles de la région, et peu à peu, un univers riche et vibrant a commencé à émerger. Ce matériau historique allait nourrir l’écriture du spectacle et orienter les choix artistiques.

Une fois cette recherche amorcée, j’ai décidé de baser le spectacle sur l’histoire des ouvrières et ouvriers de la filature Levavasseur, remontant jusqu’en 1874, année de la fondation du site. Mais l’idée était de créer bien plus qu’un simple récit historique. Il s’agissait de concevoir un spectacle immersif qui s’inscrirait pleinement dans le lieu. L’enjeu était de faire ressentir aux spectateurs et spectatrices non seulement l’histoire de la filature, mais aussi la présence palpable des travailleurs et travailleuses et des conditions de vie dans l’usine.

L’immersion, pour moi, allait se traduire par une interaction directe avec l’espace. Le public ne serait pas simplement spectateur, mais actif, invité à pénétrer dans l’univers de la filature en prenant place d’ouvrier et allant à la rencontre des personnages emblématiques de cette époque.

Le spectacle se déroulerait au cœur de la filature, entre les différents espaces de production, afin que les spectateurs puissent ressentir l’atmosphère de ce lieu mythique. Ce projet cherchait à créer une expérience sensorielle : les bruits des machines, le contexte historique, le parcours qui suivait les pas des employés de la filature … tout serait réinventé pour immerger le spectateur dans le passé tout en lui offrant une lecture contemporaine de l’histoire.

L’écriture du spectacle a été un travail délicat, consistant à mêler éléments historiques et fictions théâtrales. J’ai voulu créer un pont entre le passé des ouvriers de 1874 et la société d’aujourd’hui, en montrant que les luttes des travailleurs d’hier résonnent encore dans nos réalités contemporaines.

Nous avons donc créé des personnages issus de cette époque, fictifs ou réels : des ouvriers et ouvrières du XIXe siècle, le baron Levavasseur créateur de ce monument, mais aussi des figures contemporaines, telles que le guide permettant de faire le lien avec le public moderne.

L’autre choix fort a été celui de la mise en scène. Le site, avec ses vastes volumes et son architecture industrielle, imposait une approche spécifique : j’ai opté pour me servir du lieu comme scénographie à échelle réel laissant place à l’imaginaire au sein des batiment en ruine, utilisant l’espace de manière décalée pour transformer chaque recoin en terrain d’histoire.
Le son a aussi joué un rôle essentiel. Le bruit des machines, que l’on entendait parfois de loin, mais aussi des bruitages, des chants ouvriers, ont été utilisés comme un moyen de reconnecter le public au passé du lieu. L’idée était de faire vivre l’histoire de la filature à travers les sons, les paroles et les gestes, en invitant les spectateurs à ressentir l’ambiance de l’époque tout en offrant une réflexion sur notre époque actuelle.

Créer un spectacle immersif dans un lieu aussi vaste et chargé d’histoire a posé plusieurs défis. Le premier a été de définir les déplacements du public. Comment guider les spectateurs sans briser l’effet immersif ? Comment les amener à vivre l’histoire tout en leur permettant de garder une certaine liberté de mouvement dans l’espace ? Ce défi a été relevé par la création de parcours interactifs, où les spectateurs se déplaçaient selon les scènes, découvrant l’histoire par fragments.

L’autre grande difficulté a été de travailler avec la mémoire collective du lieu, sans tomber dans le piège d’une reconstitution figée. Il ne s’agissait pas d’une simple reconstitution historique, mais bien de mettre en scène l’émotion, la souffrance, la dignité des travailleurs à travers des symboles, des gestes et des images fortes. Le travail des acteurs a donc été fondamental : il fallait incarner cette mémoire sans tomber dans l’illustration ou l’anecdote. Les répétitions ont été intenses, avec un travail particulier sur la physicalité du jeu et la relation avec l’espace.

La première représentation a eu lieu en septembre 2022, au sein même de la filature Levavasseur. L’expérience a été unique. L’immersion était totale : le public se retrouvait au cœur du lieu, se faufilant au sein des différents espaces guidés par les interprètes Les comédiens, eux, évoluaient dans cet espace comme s’ils en faisaient partie. Ce n’était pas une simple mise en scène, c’était un véritable dialogue entre le passé et le présent, une conversation ouverte avec les spectateurs.

Le spectacle avait pour ambition de proposer un vote aux spectateurs à la suite d’un procès mêlant les ouvriers et ouvrières de la filature ainsi que la Baron. Ce vote entraînait la possibilité de voir se réaliser deux fins différentes au spectacle. IL s’agissait de faire agir la démocratie par le droit de vote.

Le public, immergé dans ce contexte historique et sensoriel, a été transporté, souvent ému, parfois interpellé par la force du lieu et de l’histoire qu’il racontait. Le spectacle a eu un impact immédiat, non seulement pour son aspect immersif, mais aussi pour la manière dont il a permis aux spectateurs de reconnecter avec la mémoire du travail, du labeur et de la dignité ouvrière.

Ce projet a été une aventure incroyable, à la fois théâtrale et humaine. Valoriser la filature Levavasseur par l’art vivant, c’était non seulement raconter l’histoire d’un site et de ses travailleurs, mais aussi faire résonner cette histoire dans notre présent. Ce projet a permis de rendre hommage à la mémoire ouvrière tout en créant une expérience vivante et immersive, où chaque spectateur, chaque acteur, chaque geste devenait une part de l’histoire racontée.

En créant ce spectacle, j’ai eu la chance de travailler sur un lieu exceptionnel, dont l’envergure et la mémoire ont donné naissance à une œuvre hors du commun.

INFOS PRATIQUES

Le fileur de cathédrales

TRANCHE D’ÂGE : Tout public

ECRITURE & MISE EN SCENCE : David Antoniotti

COMEDIENS :

  • Perrichot / Les experts : Melchior escoffier
  • Lucie / Les experts : Charlotte lequesne
  • Le baron Charles Levavasseur / Crieur public : Dan kostenbaun
  • Le guide : Victor Calcine

PROCHAINES REPRESENTATIONS​

2027

LIENS UTILES

Le Département de l’Eure

PARTENAIRES

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